Dans son communiqué du 7 Octobre, l’Académie Nobel annonçait qu’elle avait attribué le Prix Nobel de Physiologie ou Médecine conjointement à :
William G. Kaelin Jr., Sir Peter J. Ratcliffe et Gregg L. Semenza
« pour leurs découvertes sur la façon dont les cellules détectent et s’adaptent à la disponibilité en oxygène »

L’académie souligne que les découvertes majeures des lauréats du prix Nobel de cette année ont révélé le mécanisme d’un des processus d’adaptation les plus essentiels de la vie. Ils ont établi la base de notre compréhension de la manière dont les niveaux d’oxygène affectent le métabolisme cellulaire et les fonctions physiologiques. Leurs découvertes ont également ouvert la voie à de nouvelles stratégies prometteuses pour lutter contre l’anémie, le cancer et de nombreuses autres maladies.
Au cours de l’évolution, des mécanismes se sont développés pour assurer un apport suffisant d’oxygène aux tissus et aux cellules. Le glomus carotidien, contient des cellules spécialisées qui détectent les niveaux d’oxygène dans le sang et le prix Nobel de médecine a récompensé Corneille Heymans en 1938 pour ses découvertes montrant comment la détection de l’oxygène dans le sang par le glomus carotidien contrôle notre fréquence respiratoire en communiquant directement avec le cerveau.
Outre l’adaptation rapide contrôlée par le glomus carotidien aux faibles taux d’oxygène (hypoxie), l’augmentation des taux de l’hormone érythropoïétine (EPO), qui entraîne une augmentation de la production de globules rouges (érythropoïèse), est une réponse physiologique clé à l’hypoxie.
Gregg Semenza, étudiant le gène de l’EPO et sa régulation, démontra que des segments d’ADN spécifiques situés à côté du gène médiaient la réponse à l’hypoxie. Peter Ratcliffe étudiait aussi la régulation du gène de l’EPO et les deux groupes découvrirent que le mécanisme de détection de l’oxygène était présent dans pratiquement tous les tissus et pas seulement dans les cellules rénales où l’EPO est normalement produite.
Par ailleurs, en étudiant les composants cellulaires impliqués dans cette réponse à l’hypoxie, Gregg Semenza découvrit un complexe protéique qui se lie aux segments d’ADN spécifiques de manière dépendante de l’oxygène et l’appela le facteur induit par l’hypoxie (HIF). Celui-ci s’est avéré être composé de deux protéines différentes se liant à l’ADN, appelées facteurs de transcription, HIF-1a et ARNT.
De son coté, William Kaelin, qui travaillait sur la maladie de von Hippel-Lindau (VHL), démontra que le gène VHL codait pour une protéine qui empêchait l’apparition du cancer et que les cellules cancéreuses dépourvues d’un gène VHL fonctionnel exprimaient des taux anormalement élevés de gènes régulés par l’hypoxie.
Par la suite, Peter Ratcliffe et son groupe démontrèrent que VHL pouvait interagir avec HIF-1a et qu’il était nécessaire à sa dégradation en normoxie.
Il restait maintenant à comprendre comment les niveaux d’O2 régulaient l’interaction entre VHL et HIF-1a. En 2001, dans deux articles publiés simultanément, Kaelin et Ratcliffe démontrèrent qu’en normoxie, des groupes hydroxyls sont ajoutés à 2 positions spécifiques dans HIF-1a. Cette modification protéique, appelée prolyl-hydroxylation, permet au VHL de reconnaître et de se lier à HIF-1a, expliquant ainsi comment des taux d’oxygène normaux contrôlent la dégradation rapide de HIF-1a à l’aide d’enzymes sensibles à l’oxygène (appelées prolyl hydroxylases). Des recherches ultérieures menées par Ratcliffe et d’autres ont permis d’identifier les prolyl hydroxylases responsables. Il a également été montré que la fonction d’activation des gènes de HIF-1a était régulée par une hydroxylation dépendante de l’oxygène.
Grâce aux travaux de ces trois lauréats du prix Nobel, nous en savons aujourd’hui beaucoup plus sur la manière dont les différents niveaux d’oxygène régulent les processus physiologiques fondamentaux mais aussi interviennent dans de nombreuses maladies et notamment le cancer.